La honte ! … Où est la France ?

Jean-Dominique Dubois, franciscain-prêtre

Le 31 juillet 2024

 

Français de souche j’ai reçu la France, comme un don de ma famille lorraine... Rien de subi. En assumer tout l’héritage, du sublime au tragique, non comme un produit commercial d’une grande start-up nation, mais comme un enfant du pays, à qui père et mère offrent une identité en la « mère patrie ». Au cœur de ce leg me fut offert la foi chrétienne catholique, joie que personne « ne pourra jamais me ravir » Jn 16, 22, à en vouloir devenir missionnaire. J’ai voyagé et goûter d’autres cultures, communier au Christ avec des chrétiens d’autres terres. La diversité des cultures est une richesse inouïe nécessitant cependant mesures pour tenir une vie commune dans l’échange et le respect. Les tours de Babel, fausses unions des empires et des trans-patries, n’ont jamais fini que dans la guerre et l’écroulement des peuples. Les civilisations sont mortelles, dans la confrontation même qui les enrichissent au risque de la fin de l’une ou de l’autre. En distinguer les fondamentaux des expériences qu’en vivent les membres fait poindre ce qui permet leur longévité, leur perte ou leur renouvellement.

Israël est né, voici quatre mille ans. Aucune civilisation ne réussit jamais à l’anéantir, car son âme est enracinée dans le cœur du Tout Autre, source de toute vie. Suivant les étapes de la conscience de l’humanité, Israël a grandi par une continuelle sortie de soi en fidélité à son identité reçue divinement. L’Église poursuit le chemin d’Israël, selon sa voie propre en la personne de Jésus, dans une semblable sortie de soi, n’écrasant aucune culture, voire l’enrichissant ou la purifiant pour l’aider au dialogue.

Souvenons-nous de la si belle leçon universitaire du pape Benoît XVI au collège des Bernardins, en 2008. La civilisation européenne, héritière des grecs et des romains, a comme matrice la recherche de la parole de Dieu par les moines bénédictins. C’est l’Europe, du Moyen-Âge à aujourd’hui. Tel fut en résumé l’excellence du propos papal qui laissa coi, sans exception, tous ses auditeurs de hauts rangs.

 La célébration d’ouverture des jeux olympiques devait enchanter la France et le monde. Mais le ciel se chargea de pluie. Pluie de la honte, honte non de la France, mais de ce que ses gouvernants en faisaient. La diversité des musiques, des danses ou des tableaux choisis, n’est pas en cause en tant que telle. Croisement naturel des arts dans un même pays. Encore fallut-il que ce soit de l’art ou des arts ? La France a une âme et son âme est chrétienne en ses origines profondes, à l’égal de tous les pays d’Europe. Il n’y aurait pas de laïcité sans le christianisme. Ce soir-là mon âme de français et de chrétien fut blessée. Nous n’avions pas besoin de revivre la décapitation de Marie-Antoinette, événement dont la nation ne s’est toujours pas remise, comme s’il fallait en rajouter pour oublier la honte d’une crise sociale et politique mal aboutie. De surcroît quel spectacle pour les têtes couronnées présentes ? France, pays de la galanterie et de la politesse ! Le comble fut d’assister au pastiche de la Cène de Jésus Christ, en forme de blasphème, sur fond de déconstruction de l’homme au nom de la diversité heureuse. Quoiqu’en disent les plates excuses des organisateurs.

Si la république n’a pas de loi anti-blasphème, ne privilégiant aucun culte, elle ne s’en honore pas moins de les respecter tous à commencer par le culte fondateur de la nation française, la foi chrétienne. En témoigne la décision de la 3° république en 1920 de faire du 8 mai une fête nationale en hommage à Jeanne d’Arc. Que des journaux satiriques ou des théâtres rient de la foi ou des symboles d’une communauté de croyants, sans tomber sous le coup de la loi, on pourrait encore le comprendre. Même si cela n’honore guère les auteurs de telles vilenies. Respect dû à toutes traditions et cultes oblige. Mais que la république autorise à la face du monde, devant un milliard de téléspectateurs, par sa responsabilité de la célébration d’ouverture des jeux olympiques, une parodie du geste le plus sacré de la religion chrétienne, religion fondatrice de sa civilisation, c’est manifester une incurie, une bassesse autant qu’un grand mépris de la nation en son héritage le plus précieux, outre la blessure infligée aux chrétiens. C’est ignoble. La défense ou le soutien des minorités et des identités particulières ne peut se faire au détriment d’aucune, moins encore de l’identité de la communauté source. Sans compter qu’il ne faille pas confondre particularité ou particularisme avec identité et singularité. Seul le singulier ouvre à l’universel et peut forger un vivre ensemble selon une identité propre.

Face à l’incendie de Notre-Dame de Paris, en 2019, le président de la république a lancé au pays un défi de taille, la reconstruction de l’édifice en cinq ans. Le monde entier s’est mobilisé pour son financement, au point d’avoir aujourd’hui un budget bénéficiaire. Pour ce défi titanesque les forces vives de tous les arts et métiers de France sont depuis lors mobilisées. Tous sont bouleversés par l’âme de cet édifice, croyants ou non. Personne d’entre les reconstructeurs ne voudraient aujourd’hui ne pas être de ce travail gigantesque. Ainsi, au cœur des ouvriers de la France et du monde, les pierres et les poutres calcinées d’une cathédrale moyenâgeuse parleront plus fort que tout discours.

 Ce 26 juillet 2024, huitième anniversaire de l’assassinat du père Jacques Hamel, sous les yeux de Notre Dame meurtrie et restaurée, la république a accepté que Jésus, l’Enfant de Notre-Dame, soit blasphémé aux yeux de la terre entière, dans une parodie de la plus profonde geste jamais vécue au cours de toute l’histoire de l’humanité : « Voici mon corps livré pour vous. Voici mon sang versé pour la multitude. » Parole non seulement d’un homme qui se sacrifie pour son semblable, mais d’un Dieu qui se donne pour tout homme jusqu’à la mort … Qu’auraient dit nos frères musulmans face à une scène kitsch autour du Prophète ? Nos frères juifs sur une scène ridicule autour de la Menorah ? Les innombrables soldats des armées alliées, morts sur les plages de Normandie, face à une parodie de leur sacrifice par un plongeon rocambolesque dans la Seine ? Le cercle de la raison des lumières a dit du Moyen-Âge qu’il était obscurantiste, rejetant la foi aux oubliettes de l’histoire ou de la vie privée. « Une culture sans culte est une inculture. » dira Monseigneur Michel Aupetit, archevêque de Paris, lors de la première messe dans Notre-Dame ravagée.

Le 8 décembre de cette année, la nation célébrera la réouverture d’un des plus beaux édifices de la lumière de Dieu en l’homme, cathédrale née en ce temps prétendument dit de ténèbres, et pourtant très pur reflet de la beauté de l’âme de la France. Ne laissons pas les ténèbres d’idéologies passagères et mensongères ternir à jamais le cœur de la France. Demeurons dans la foi et l’espérance en Jésus Christ bafoué sur le pont de la Seine, un jour de juillet 2024, car, pour Lui, même « la ténèbre n’est point ténèbre, et la nuit comme le jour illumine. » Ps 139, 12 Miséricorde à ceux qui ont participé à cette décision outrageante et ténébreuse pour la France et les chrétiens, gâchant la fête et les tableaux qui auraient pu réjouir. Peut-être écouteront-ils la complainte de Notre-Dame, écrite au soir de l’incendie ? Un poème, une prière, une allégorie, un appel et des mots de tendresse à Notre Mère blessée par ses enfants dont les plus rebelles demeurent tant aimés sans le savoir…